Depuis quelques années déjà, la tradition veut que chaque adaptation cinématographique d’une licence Marvel soit accompagnée de son adaptation vidéoludique. Toutefois, avec SPIDER-MAN : WEB OF SHADOWS (disponible sur Playstation 3, Xbox 360, Wii, PC, Playstation 2 et Nintendo DS, et sorti en France sous le titre SPIDER-MAN : LE REGNE DES OMBRES) point de film originel, mais une aventure entièrement originale mettant en scène tant bien que mal une suite possible au troisième opus de Sam RAIMI. Cette fois, c’est Shaba Games qui s’est vu confier la réalisation de cette nouvelle aventure, développée autour d’un personnage charismatique mais sous-exploité au cinéma: Eddie Brock, alias VENOM.
LE FLEAU - Venom contre-attaque
La Grande Pomme est envahie par les symbiotes et SPIDER-MAN doit sauver la ville…
Si ce postulat initial reste potentiellement intéressant et original, on comprend rapidement qu’il a clairement été sous-exploité dans le jeu : ainsi, après une courte scène introductive où le Tisseur affronte des symbiotes issus de VENOM et au terme de laquelle il retrouve son costume noir, plusieurs heures sont nécessaires avant que cette intrigue ne revienne sur le devant de la scène sans pourtant jamais devenir la menace tant annoncée.
Le début de l’aventure suit naïvement l’immersion de l’ARAIGNEE au cœur d’une guerre des gangs arbitrée par LUKE CAGE, avant de faire participer le Tisseur à une lutte acharnée contre les commandos technologiques du KINGPIN par l’entremise de BLACK CAT. On se retrouve dès lors à affronter successivement deux types d’ennemis différents, alors qu’il aurait suffi à Shaba Games de mélanger ces intrigues pour rendre le tout moins indigeste d’un point de vue narratif. C’est néanmoins pendant cette période que le joueur apprend à manier son personnage, notamment grâce aux entraînements imposés par le Héros à Louer LUKE CAGE.
Même une fois que VENOM apparaît et infecte de simples civils, l’intrigue peine à démarrer et reste finalement anecdotique… Dommage, car la perspective de voir New York City en proie au symbiote restait réjouissante. Le résultat n’est alors pas sans rappeler la non-moins décevante saga THE TRUST de Brian Michael BENDIS et Leinil Francis YU, qui promettait le même genre d’intrigue à base de contamination des masses par le symbiote, et qui a sans doute été reprise par les concepteurs du jeu, comme en atteste une certaine familiarité entre la couverture de l’épisode # 35 des New Avengers figurant le WOLVERINE infecté et certains artworks de WEB OF SHADOWS.
Une inspiration qui aurait certainement été la bienvenue si elle n’avait pas été aussi magistralement gâchée par une intrigue sans saveur ni ambition. Le fan saura apprécier cette ville dominée par les symbiotes et les ennemis de SPIDEY tombés sous leur emprise, mais cela ne suffira pas à rattraper l'intérêt du jeu... Le concept était ô combien prometteur, jouant sans cesse sur le contraste entre l’ombre et la lumière, mais il a malheureusement été sous-exploité.
CHIAROSCURO - Entre ombre et lumière
Redonner à PETER PARKER son symbiote dès le début de l’aventure et confier au joueur le choix d’opter à tout moment en cours de partie pour revêtir le costume noir au lieu du bleu et rouge, c’est confronter le héros à un cas de conscience, et osciller de manière permanente entre le Bien et le Mal.
Ce que l’on remarque immédiatement dans cette perspective manichéenne, c’est que le héros n’a pas les mêmes possibilités selon son apparence, et que le symbiote lui donne une puissance et une violence qu’il n’a pas à l’origine. Cependant, quand on progresse un peu, on se retrouve en réalité à accomplir les mêmes coups et enchaînements, dont seule l’animation varie un peu lors de l’exécution.
Il faut noter que l’idée de choix revient aussi à certains moments de l’histoire, lorsqu’il s’agit concrètement de choisir le côté obscur ou lumineux, bien que ça n’ait que peu d’incidence sur le déroulement de l’intrigue. Dans le même ordre d’idée, l’adhésion au Bien ou au Mal impacte sur l’identité des alliés du Tisseur : de fait, LUKE CAGE ou MOON KNIGHT par exemple, vous aideront si vous servez la justice… alors que BLACK CAT ou VULTURE vous viendront en aide si vous franchissez la borderline et cédez à vos pulsions. Cela dit, l’aide qu’ils apportent est tellement négligeable qu’on en vient rapidement à oublier cette possibilité pourtant prometteuse. Difficile alors de ne pas sentir un goût d’inachevé.
DANS LA PEAU DU TISSEUR - Entre jouissance et bugs
A défaut d’exploiter pleinement le tiraillement entre ombre et lumière, SPIDER-MAN : WEB OF SHADOWS jouit d’un gameplay véritablement plaisant : si le héros est toujours libre d’évoluer dans les rues de New York pour choisir ses priorités (sauver des passants, affronter les criminels, récupérer les « orbes » permettant de passer au niveau supérieur ou se rendre à un rendez-vous pour commencer une mission), se promener dans la ville constitue heureusement un plaisir effaçant les souvenirs laissés par SPIDER-MAN # 3 et ses prédécesseurs… Un plaisir, certes, si l’on oublie toutefois une caméra énervante et une inertie parfois étrange : combien de fois se retrouve-t-on à vouloir se coller à une paroi pour l’arpenter à la verticale alors que le héros continue d’avancer à l’horizontale pour presque faire le tour de l’immeuble avant de s’arrêter ? En général, tous les changements brutaux nécessitant de passer d’une façade au vide et réciproquement donnent lieu à un affolement de la caméra autant improbable qu’incompréhensible, et ce, même s’il suffit d’une pression sur un bouton pour la recentrer.
Cependant, si l’on excepte ce point précis qui vient entacher la fluidité du jeu, le TISSEUR est indubitablement plaisant à manier, notamment lors des combats où la vitesse d’exécution du héros impressionne et rend réellement hommage au héros créé par Stan LEE. SPIDEY lance sa toile, bondit, frappe, bondit à nouveau, projette ses adversaires, et finit par les neutraliser dans des combos dévastateurs si bien exécutés qu’ils le sont de manière instinctive, pour ne pas dire machinale et lassante. Par ailleurs, ces enchaînements sont assujettis à l’expérience gagnée lors des missions : un soupçon de RPG permet ainsi de faire évoluer le personnage dans chacun de ses avatars, le héros ou le vilain, et confère à SPIDER-MAN de nouvelles facultés et de nouveaux coups.
Il convient maintenant de terminer en soulignant l’immensité de la ville, qui, malgré des graphismes peu convaincants, est somme toute agréable à parcourir : de fait, l’animation extrêmement fluide du TISSEUR, la modélisation et les chara-designs efficaces (quoi que contestable, comme l’illustrent les exemples des hommes de KINGPIN ou celui de la BLACK WIDOW) parviennent à conférer à New York une majesté et une atmosphère que seuls les comic-books étaient jusque-là parvenus à retranscrire.
En conclusion, WEB OF SHADOWS aurait pu être une expérience marquante si les idées qui y apparaissent n’avaient pas été seulement esquissées: un scénario navrant, une répétitivité exaspérante, et une gestion de la caméra souvent catastrophique gâchent réellement le plaisir procuré par une jouabilité convaincante et dynamique. Les animations et la modélisation des personnages permettent quant à elles d’oublier la pauvreté des graphismes. Sans être un ratage total, ce nouveau SPIDER-MAN confié à Shaba Games peine à s’imposer au-dessus des précédentes moutures développées par Activision : il sera l’un de ces jeux que l’on achète pour se divertir quelques heures, mais auquel on ne reviendra probablement pas une fois l’expérience terminée… si tant est que le joueur ait le courage de boucler l’aventure.
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